25 mars 2007

Eau de source et ode au comptoir

J’ose le dire sans ambages : j’aime les bistrots. Du bar-tabac à l’établissement plus chic (enfin pas trop non plus), du petit café de quartier à la brasserie la plus impersonnelle, je m’y sens bien. Cette propension à y passer des heures ne requiert qu’une seule condition : la présence d’un comptoir. Ce qui exclut sans autre forme de procès les établissements dits branchés. Ceux qui agitent ostensiblement leur qualité de bar « lounge », terme sibyllin s’il en est, avec pour seul objectif de vous faire mieux digérer la bière à 8,50 €. Le genre de grande salle aseptisée dont l’hygiène ferait blêmir de jalousie un bloc opératoire — pourtant déjà naturellement pâle — et dans laquelle l’outrecuidance de vouloir boire un verre au comptoir vous fait passer pour le dernier des malotrus. Mais je me perds dans une diatribe qui risque fort de me faire oublier l’objet initial de ma déclaration, l’amour du véritable bistrot.

Le bistrot m’a fait découvrir une nouvelle catégorie d’amis. Des personnes que rien ne me prédisposait à rencontrer mais que la fréquence d’une proximité géographique a fini par me faire apprécier. Et bien que je n’aie pas pour habitude de mettre les gens en boîte, je me suis résolu à faire à ces connaissances une place dans mon panthéon des personnes qui me sont chères. « Les potes de comptoir ».

Des potes de comptoir, il en existe pour chaque heure, en fonction de son rythme de vie. Mais deux comptent réellement pour moi.

Ceux du matin, qui laissent le temps d'un café à une marque d’oreiller tenace pour s’estomper avant de se rendre au travail. L’un arrive à 8h32, après avoir déposé sa petite dernière à l’école toute proche. L’autre à 8h38 les bons jours, plus souvent à 8h47 car il a toujours préféré aux bons jours les bonnes nuits. A cette heure matinale, les mots se font rares mais la présence rassurante. Et s’il en manque un, c’est qu’il est… Ah non, je laisse ce genre d’idée à Brassens !

Ceux du soir, dont la seule vue suffit à sonner le glas d’une journée, souvent trop longue, à s’user les doigts sur un clavier et les yeux derrière un écran. Ils connaissent mon travail comme je connais le leur, sans l’avoir jamais exercé. Et ils s’accordent comme moi à dire qu’il vaut mieux s’user les coudes sur un comptoir ! Nous ne nous voyons jamais en dehors de ce sas qui mène du bureau à chez nous. Nous n’en éprouvons pas le besoin. Je connais leur famille et leurs amis, sans jamais en avoir rencontré le moindre échantillon. Nous n’en éprouvons pas le besoin. C’est un instant précieux dans une journée, vital comme un palier de décompression à un plongeur qui aurait troqué ses bouteilles contre un ballon de rouge. Ou d’autre chose… Au choix.

Allez, un dernier verre et on y va.

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