23 mars 2007

Bouillon de culture

Cette année encore, du 23 au 27 mars, le hall 1 du parc des expositions de la porte de Versailles devient la plus grande librairie de France. C’est en effet aujourd’hui que débute le Salon du livre, qui célèbre pour sa 27e édition la littérature indienne. Imaginez : quelque 150 000 personnes qui, en 5 jours, naviguent de stand en stand, se pressent et se délectent de romans, de nouvelles, d’essais, de contes, de BD, de livres d’art, poussés par une soif insatiable de culture… Dans ces 50 000 m2, il n’est pas rare de surprendre deux enfants discuter simplement du développement non linéaire du récit dans l’œuvre d’Alain Robe-Grillet, arguant leur parfaite maîtrise du nouveau roman.
Un monde somme toute très ordinaire.

Mais la réalité en est à mille lieues. Pour preuve, la soirée inaugurale à laquelle je me suis rendu hier. 10 000 personnes — triées sur le volet, évidemment… — qui, n’assumant pas le rôle de pique-assiette que je revendique outrageusement, se sentent obligés de revêtir leur costume d’éditeur, espérant ainsi se fondre dans la masse. Comment les reconnaître ? Tout d’abord à leur longue écharpe, généralement blanche, négligemment jetée autour du cou et pendant jusqu’à mi-cuisse. Là-dessous, un costume sombre, soigné mais sans excès. Une voix artificiellement grave, qui sait recouvrer son timbre original au premier petit four mal orienté, permet de saluer la blonde plantureuse croisée sur la terrasse du stand Gallimard. Cette créature réunit autour d’elle un groupe de mâles plus hétérosexuels qu’hétérogènes et attise la verve des plus entreprenants. Jusqu’à ce qu’elle leur avoue dans un anglais approximatif qu’elle n’entend pas un mot de français. Au suivant !
Champagne et jolies femmes sont les deux mamelles de la culture.

Pourquoi tant d’efforts quand une paire de vieilles baskets, une veste hors d’âge aux coudes usés par les comptoirs et une tignasse assez peu disciplinée, suffisent à boire le même champagne, à manger les mêmes petits fours et finalement, à passer pour quelqu’un de certainement très en vue. Oui, car votre accoutrement suscite la curiosité : si vous osez sortir ainsi, sans doute n’avez-vous plus rien à prouver ; et si vous n’avez plus rien à prouver, sans doute êtes-vous un des auteurs les plus « bancables » du moment.
« Ah, si seulement je m’intéressais aux livres, je l’aurai reconnu. »
Perdu.

Bilan de la soirée : quelques bonnes tranches de rigolade… et un léger mal de crâne pour me rappeler que mon organisme est plus habitué au vin rouge et à la bière qu’au champagne.

Des livres ? Quels livres ?

6 commentaires:

Anonyme a dit…

"un groupe de mâles plus hétérosexuels qu’hétérogènes"
Ah ah, j'aime beaucoup.

Soliloqu(eur) a dit…

Cette petite sauterie est une bonne thérapie contre l'agoraphobie. Quoique sans doute un peu violente pour qui redoute la foule et les grands espaces !

Anonyme a dit…

Ouais, pas trop pour moi quoi...

Soliloqu(eur) a dit…

C'était une manière détournée de le dire.

camille a dit…

tu as un vrai talent de conteur, monsieur !
contente d'en profiter et que tes soliloques n'en soient pas tout à fait...

Soliloqu(eur) a dit…

Merci, madame !
Mes joues érubescentes trahissent mon embarras.

 

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