08 juillet 2008

Amour d'une nuit

La nuit tombe. Je me redresse.

Elle et moi formons un vieux couple, fort d’une quinzaine d’années de vie commune. Je me souviens encore de mon excitation lors de nos premières rencontres. L’enthousiasme de la découverte rendait chaque entrevue exceptionnelle. Elle faisait tout pour me surprendre. Je l’étonnais tous les jours un peu plus. Chaque soir, mon insatiable compagne me promettait sa lune. Je ne pouvais y résister et m’en délectais jusqu’à son dernier quartier. Elle s’amusait de ma gourmandise mais que dire de la sienne… Ma ténébreuse compagne allumait dans mes prunelles nyctalopes une nuée d’étoiles qui trahissaient la nature de mes sentiments à son égard. La relation que nous avions nouée ne connaissait pas le sens des mots limite et routine ; nul ne pouvait imaginer son déclin.
Elle ne m’a d’ailleurs jamais fait mentir puisque, aujourd’hui encore, elle et moi avons conservé une fougue à rendre jaloux bien des jeunes couples. Elle est la seule capable de me faire tenir droit des heures durant, sans fléchir, sans faillir. Ou presque… Car c’est aussi elle qui m’entraîne vers des chemins glissants, m’abreuvant de nectars dont je raffole, au point d’en perdre l’équilibre. Conscient du danger qu’elle me fait courir, je tombe inlassablement dans son piège. Il m’arrive même de m’y jeter volontairement. Alors je la hais. Dans ces moments, elle fait de moi ce qu’elle veut. Elle le sait. Moi, l’esclave consentant. Je ne sais plus quoi penser d’elle… Tout s’emmêle… Tout s’obscurcit… Mes sentiments s’entrechoquent dans un vacarme assourdissant. Ma tête est sur le point d’exploser.

Mais peu importent les heurs et les malheurs, on ne peut nier l’évidence : la nuit et moi, nous nous aimons.

Le jour se lève. Je me couche.

07 juillet 2008

Un homme à l'âme amère

Scrutant inlassablement le passé dans un miroir, en quête d'un hypothétique futur, la nostalgie m'envahit. Une grande marée, charriant son lot de confusions, de regrets et de sanglots, ne tarderait pas à faire de moi une nouvelle victime. J'admirais, impuissant, l'inexorable montée des eaux. La mer me léchait maintenant le menton, mais à trois reprises déjà des vagues de colère m'avaient submergé. J'avais pourtant cru. En elle. En moi aussi. A moi en elle. Mais la nature a ses lois qu'aucune volonté ne peut réviser.

Tout le monde savait que c'était impossible. Un jour est arrivé un homme qui ne le savait pas. Et il a cru le faire. Mais tout n'était qu'illusion. On n'empêche pas la mer de monter. Elle vient d'ailleurs de submerger ma bouche. Combien de temps avant que mes narines ne permettent plus à cet air vital d'emplir mes poumons ? Je suis résolu. Presque calme. Je sais maintenant que la nature aura raison de moi. De ma volonté. De ma naïveté. De ma… Trop tard. Elle est là.
Je tente de bloquer ma respiration, mais ce n'est que reculer pour mieux couler. Ne pas lutter… ne pas lutter… Dernier sursaut de vanité, je la défie. Je ne la laisserai pas forcer cette issue que je ne saurais défendre bien longtemps. Alors j'ouvre grand la bouche, les narines.

J'inspire profondément.

Ca y est, elle m'emplit. Elle est en moi et s'évertue à combler le plus petit recoin de mes poumons. Plus que la laisser faire, je l'encourage. Je veux être maître de ce moment. Il m'appartient. Je lui échappe enfin. Je la regarde, droit dans les yeux. Elle voudrait m'épargner, mais je la force à m'envahir. Elle voudrait me retenir, mais je pars de plus belle. Ma vie part. Mes yeux se ferment enfin. Je ne vois plus le miroir. A présent, je ne scrute plus le passé, en quête d'un hypothétique futur.


J'attends la prochaine marée.

05 octobre 2007

Sablier d'automne

Un petit jeu d'écriture auquel je m'adonne avec plaisir. Allez voir ici pour mieux comprendre. En deux mots, une accroche vous est imposée, à vous d'imaginer la suite du texte.

Voici l'accroche :
Ce matin, entre Adler et Duhamel, l’immuable créneau de ma douche d’avant départ au boulot, agitant mes mains ensavonnées, je fais tomber mon alliance.
Je la remets aussitôt mais avec beaucoup de difficultés qui me seront l’occasion de plusieurs vagues d’interrogation lors des minutes et heures suivantes, du séchage aux rebutantes tâches journalières et néanmoins professionnelles.


Voici pour moi…


Clepsydre et sablier
Ce matin, entre Adler et Duhamel, l’immuable créneau de ma douche d’avant départ au boulot, agitant mes mains ensavonnées, je fais tomber mon alliance.
Je la remets aussitôt mais avec beaucoup de difficultés qui me seront l’occasion de plusieurs vagues d’interrogation lors des minutes et heures suivantes, du séchage aux rebutantes tâches journalières et néanmoins professionnelles.
Rendez-vous compte du devenir sordide de cet anneau si, par malheur, le geste prompt et matinal qui me permit de lui éviter la noyade eût manqué de précision. Une alliance se débattant vainement dans une jungle où cheveux et autres échantillons pileux ayant échappé à la vigilance de leur propriétaire sont autant de lianes. Impuissant, j’aurais assisté à la digestion de mon alliance par un vortex aquatique tourbillonnant jusqu’au siphon. Je l’imaginais déjà évoluant dans l’obscurité des méandres d’une tuyauterie sonore, dans les émanations méphitiques d’interminables intestins domestiques.
Mais fort heureusement, il n’en fut rien et malgré le caractère bien matinal de cette mésaventure, je rattrapai l’anneau sans trembler. Je fus d’ailleurs le premier surpris d’une telle adresse, adresse à laquelle ni moi ni ceux qui me connaissent n’avaient été habitués.
Traitant maintenant l’anneau avec toute l’attention qui lui était due, je chassais de mon esprit les images nauséeuses qui m’avaient hanté le temps de l’incident. Le précieux objet se remettait de ses émotions dans la paume de ma main. Quant à moi, je profitais de l’eau chaude qui jaillissait comme une cascade du pommeau de la douche. Petit confort bourgeois dont il est bien difficile de se défaire…
Lorsqu’enfin je me décidai à enfiler mon alliance sur le doigt qui lui faisait office de présentoir, tout ne se déroula pas comme prévu. Hypertrophie annulaire ? Hypotrophie de l’anneau. Force était de constater que, malgré de multiples tentatives, anneau et annulaire ne s’entendaient plus. Intrigué, je me mis à scruter mon alliance dans ses moindres détails et m’aperçus alors qu’une pellicule de sable en avait recouvert l’intérieur. Une pellicule que j’eus bien du mal à retirer tant elle semblait avoir littéralement fusionné avec la métal. Quand enfin je parvins à redonner à l’or son éclat original, je remis à mon doigt cette ceinture étincelante.

Mais ce sable… d’où venait-il ?
Sablier percé d’automne, 4 octobre 2007.

20 septembre 2007

Morphée et moi

Longtemps, je me suis couché de bonne heure.
Pourquoi ? Tout simplement parce que durant des années, j'ai eu l'intime conviction que Morphée était une femme, et je ne manquais pas d'arguments pour le prouver :
- Morphée, c'est un prénom féminin, il ne peut en être autrement (implaccable comme argument !) ;
- Le "e" final de Morphée, bien que muet, atteste bien du caractère féminin du personnage. A l'instar des termes "dictée", "purée", "onomatopée", Morphée ne pouvait être que féminin (j'ai découvert bien plus tard l'existence de mots comme "musée" qui font effondrer ma théorie comme un vulgaire chateau de cartes) ;
- Et puis s'il me faut passer toutes les nuits entre ses bras, je préfère franchement que Morphée soit une femme.
Avouez que ce raisonnement a fière allure !
Pour moi, c’était donc un fait établi, Morphée était une femme. Mais attention, pas n'importe quelle femme : une créature fantasmatique, drapée d'une robe de mousseline blanche, évoluant pleine de grâce dans une atmosphère vaporeuse légèrement moite et terriblement sensuelle. Ses bras tendus vers moi ouvraient une voie royale vers sa gorge accueillante…

STOP ! On se calme !

Mais un soir, à l’aube de ma seizième année, quelle ne fut pas ma stupeur de découvrir par le truchement de quelque lecture prétentieuse que Morphée n’était pas celle que j’imaginais. Elle en était même à mille lieues. Il a bien fallu que je me rende à l’évidence : Morphée ne portait pas dans son patrimoine génétique deux chromosomes X, mais un chromosome X et un chromosome Y. Traduction : Morphée se grattait parfois les couilles à travers sa robe de mousseline pour exprimer sa satisfaction ; sa gorge était plus velue qu’accueillante ; sa pomme d’Adam était saillante ; elle chaussait du 45 et 1/2 et supportait l’équipe du PSG. Morphée n’était donc pas l’icône féminine dont je rêvais mais simplement le rejeton de la Nuit et du Sommeil. Pistonné par ses deux parents influents, le jeune Morphée — puisqu’il faut bien parler de lui au masculin — avait obtenu le job de Dieu des songes sans même passer le moindre examen.

Cette révélation fut l’un des plus terribles chocs de mon adolescence. Elle impliquait que j’avais passé les 5840 premières nuits de mon existence dans les bras d’un homme. Mon égo de jeune mâle ne pouvait supporter cette idée. Et si aujourd'hui, je suis sujet à de nombreuses insomnies, je le dois à Morphée et sa propension à entretenir la confusion des genres.

21 juin 2007

Il et la tentation

Blondes, brunes, rousses… Ces tentatrices qui dès le soir venu hantent mes pensées. Ces tentatrices qui dès le soir venu agitent leur robe sous mon nez. Ces tentatrices qui dès le soir venu frétillent au comptoir. Qu’il est difficile de leur dire non quand doucement elles s’approchent de mes lèvres, s’emparent de ma bouche et font de mon corps leur terrain d’expérimentation. Elles sont passées expertes dans l’art de se faire désirer et parviennent à provoquer en moi une vraie boulimie, un besoin impétueux d’excès. Je ne raisonne plus. Il m’en faut plus. Toujours. Je n’en ai jamais assez.

Sans elles, mes soirées sont tristes, mais par leur faute, mes nuits sont courtes. Elles m’usent, m’exténuent, siphonnent jusqu’à la dernière goutte ce qu’il me reste de volonté. Et moi, pour ça, je vais jusqu’à leur laisser une partie de ma paye…
Elles, les sadiques, moi, le masochiste.

Le lendemain, plus trace de blondes, de brunes, de rousses. Juste des signes de leur passage, comme des rappels des dérives de la veille. Car ces créatures mercantiles font payer longuement quiconque est entré dans leur jeu.
Le lendemain, l’atmosphère est lourde, méphitique. Je suis pris d’une sensation infecte de déjà-vu, de déjà vécu. Un goût amer envahit tant ma bouche que mes pensées et je jure devant dieu que l’on ne m’y reprendra plus. Jamais. C’est fini. C’était la dernière fois.

Mais ma croyance en dieu est des plus modérées et, alors que j’ai juré le matin même, le soir venu, mes résolutions s’estompent. Une fois encore, je rentre dans l’échoppe, salue les habitués dont je suis aujourd’hui. Et sans réfléchir, j’utilise les mêmes mots que la veille :

« Une bière s’il te plaît ».

02 juin 2007

Quand les mots manquent…

… le stylo ne s'arrête pas pour autant de travailler.

25 mai 2007

Georges Solar vs Mc Brassens

Il n’a ni la moustache de l’un, ni la casquette de l’autre, mais Alexis HK est pourtant bien une sorte de croisement entre Brassens et un rappeur. Brassens de par ses textes narrant des histoires et empreints de poésie, “Son histoire à lui / Celle de celui / Qui partit un jour pour où”. Le rap de par son flow, une diction particulière et assez inimitable, qui lui permet de faire entrer dans une mesure bien plus de mots que de temps. “Ecoute un peu l’histoire de Mitch le vengeur / Ecoute toujours tes rêves même si ton père te fait peur”.
Alexis HK, c’est aussi une voix, sépia, aux accents d’une époque révolue mais ne sombrant pas dans une nostalgie larmoyante. Une voix au service de textes finement ciselés “En noircissant le blanc, j’effaçais bien des peines”. Car la plume de monsieur HK est habile, son lexique est riche. L’équilibre est précaire lorsqu’on ose quelques préciosités tout en s’interdisant de tomber dans le discours ampoulé.

Mais plutôt que de sombrer dans le dithyrambe, la meilleure chose qu’il me reste à faire est de vous conseiller l’écoute de quelques de ses morceaux en visitant cette page.
 

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