27 février 2007

Sonates de bar

Un recueil de nouvelles. Jusque-là, rien de surprenant.
Oui, mais des nouvelles courtes : un feuillet un tiers chacune. Pourquoi pas ?
Chaque texte est prétexte à donner une recette de cocktail. Tiens, l’auteur est joueur.
Une nouvelle intitulée « La disparition à Raymond », ne comportant qu’une seule fois la lettre « e »… Plus de doute, un oulipien se cache derrière tout ça !
Hervé Le Tellier est effectivement un membre toujours actif de l’Oulipo, en plus d’officier sur France Culture dans l’équipe des Papous dans la tête ou d’écrire un billet quotidien dans la micro-édition matinale du Monde.fr.

Sonates de bar est sa première publication et consiste en un recueil de 88 nouvelles de 2000 signes, dissimulant chacune une recette de cocktail. Mais c’est avant tout l’histoire d’un bar de la 40e rue — le Jays’s — et trois personnages pour le faire vivre : Rose la serveuse, Jay le barman et Archie le pianiste qui chante le blues. Tantôt comédiens, tantôt spectateurs du petit théâtre de leur « cuivre », ils voient défiler une clientèle que seule la nuit peut offrir. Une clientèle que l’alcool réunit. Le paumé boit pour oublier, le vieillard pour se souvenir, les amoureux pour s’enivrer. Le lecteur, lui, est au coin du bar, là où l’obscurité lui permet de ne jamais déranger la pièce qui se joue sous ses yeux. Voyeurs ? Non, juste amoureux d’un comptoir comme une moto de son side-car.
Et la magie du lieu fonctionne. Vous ouvrirez ce livre aussi facilement que la porte du bistrot dans lequel vous vous abandonnez au plaisir de l’ivresse. Au terme de ces 88 saynètes, sans doute vous surprendrez-vous à espérer que l’auteur vous en remette une tournée.

Sonates de bar, Hervé Le Tellier (Le castor astral)

22 février 2007

Paradoxes

Les livres que l’on n'a pas lus (suite)
Pierre Bayard écrit à la première personne mais parle au second degré. Le narrateur n'est pas (pas toujours ?) l'auteur. Plutôt une espèce de beauf pusillanime, se vantant de n’aimer dans la littérature que l’élévation sociale inhérente à sa prétendue maîtrise… Cet ouvrage est une étape de plus — une des plus médiatisées — dans le parcours de cet essayiste nomade qui profite de ce livre pour dresser un portrait au vitriol du petit monde de la littérature.


Parler des livres que l’on n'a pas lus… et enseigner ce qu’on ignore
Et ce fameux titre, Comment parler des livres que l’on n’a pas lus, m’a immanquablement rappelé un livre de Jacques Rancière intitulé Le Maître ignorant (sous-titré Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle). Dans cet ouvrage, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé et lecteur de littérature française à l’université de Louvain, décide d’enseigner les disciplines qu’il ignore lui-même.
Loin de la farce littéraire, Le maître ignorant est un véritable traité philosophique sur la didactique. Un discours accessible pour une belle idée selon laquelle l’instruction est comme la liberté : elle ne se donne pas, elle se prend.

Le maître ignorant, Jacques Rancière
Paru aux éditions Fayard en 1987, récemment réédité en poche chez 10/18.
 

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