30 mars 2007

Autodafé du week-end

Au cours de ma prime jeunesse, l’évocation du Nom de la rose me faisait immanquablement penser à Jean-Jacques Annaud. J’associais alors le nom d’Umberto Ecco à la musique pop italienne. Sans doute est-ce pour cette raison que je pardonne facilement à toute une génération d'attribuer à Patrick Bruel la paternité de morceaux tels que la Java Bleue, La complainte de la butte ou Les amants de Saint-Jean. Le Nom de la rose n’existait en outre pas dans la Bibliothèque verte qui devait être à cette époque ma principale source de lecture.

Mais, alors que mes douze ans auraient dû être horrifiés par la barbarie de l’Inquisition, arrachant ongles, membres et aveux à des prétendus hérétiques, il n’en fut rien. Ou plutôt, la vue d’un bûcher rôtissant une paysanne accusée de sorcellerie me glaça bien moins le sang que le gigantesque autodafé des livres de la bibliothèque interdite. Je trouvais la destruction d’ouvrages compilant le savoir de plusieurs vies consacrées à la connaissance plus insupportable que la condamnation à mort d’êtres humains suite à un simulacre de procès.
Cette pensée m’effraie. Mais fort heureusement, elle ne s’éveille qu’à la vision de ce film (j’en ai refait l’expérience récemment). Elle traduit un attachement certain pour le livre, tant pour le caractère immuable de son contenu que pour l’objet lui-même, et explique sans doute pourquoi malgré l’exiguïté d’un appartement parisien, j’arrive à en accumuler toujours davantage dans un espace fini.

Et je ne saurais en rester là sans faire l’article d’un des habitants de ma bibliothèque : Samedi, le dernier roman de Ian McEwan. Plus de 300 pages pour narrer 24 heures de la vie d’un neurochirurgien londonien. Rassurez-vous, il ne se nomme pas Jack Bauer et, bien qu’il sauve lui aussi des vies, son existence est bien plus paisible. Marié, père d’un guitariste de blues et d’une poétesse, le docteur Perowne semble comblé et pourrait faire craindre un récit exceptionnellement fade. Mais ce serait sans compter sur le sens aigu de l’observation de Ian McEwan qui, au travers du prisme d’un homme apparemment sans problème, décrit avec finesse les troubles et les angoisses d’un Occidental en ce début de XXIe siècle.

Samedi, Ian McEwan (Gallimard)

25 mars 2007

Eau de source et ode au comptoir

J’ose le dire sans ambages : j’aime les bistrots. Du bar-tabac à l’établissement plus chic (enfin pas trop non plus), du petit café de quartier à la brasserie la plus impersonnelle, je m’y sens bien. Cette propension à y passer des heures ne requiert qu’une seule condition : la présence d’un comptoir. Ce qui exclut sans autre forme de procès les établissements dits branchés. Ceux qui agitent ostensiblement leur qualité de bar « lounge », terme sibyllin s’il en est, avec pour seul objectif de vous faire mieux digérer la bière à 8,50 €. Le genre de grande salle aseptisée dont l’hygiène ferait blêmir de jalousie un bloc opératoire — pourtant déjà naturellement pâle — et dans laquelle l’outrecuidance de vouloir boire un verre au comptoir vous fait passer pour le dernier des malotrus. Mais je me perds dans une diatribe qui risque fort de me faire oublier l’objet initial de ma déclaration, l’amour du véritable bistrot.

Le bistrot m’a fait découvrir une nouvelle catégorie d’amis. Des personnes que rien ne me prédisposait à rencontrer mais que la fréquence d’une proximité géographique a fini par me faire apprécier. Et bien que je n’aie pas pour habitude de mettre les gens en boîte, je me suis résolu à faire à ces connaissances une place dans mon panthéon des personnes qui me sont chères. « Les potes de comptoir ».

Des potes de comptoir, il en existe pour chaque heure, en fonction de son rythme de vie. Mais deux comptent réellement pour moi.

Ceux du matin, qui laissent le temps d'un café à une marque d’oreiller tenace pour s’estomper avant de se rendre au travail. L’un arrive à 8h32, après avoir déposé sa petite dernière à l’école toute proche. L’autre à 8h38 les bons jours, plus souvent à 8h47 car il a toujours préféré aux bons jours les bonnes nuits. A cette heure matinale, les mots se font rares mais la présence rassurante. Et s’il en manque un, c’est qu’il est… Ah non, je laisse ce genre d’idée à Brassens !

Ceux du soir, dont la seule vue suffit à sonner le glas d’une journée, souvent trop longue, à s’user les doigts sur un clavier et les yeux derrière un écran. Ils connaissent mon travail comme je connais le leur, sans l’avoir jamais exercé. Et ils s’accordent comme moi à dire qu’il vaut mieux s’user les coudes sur un comptoir ! Nous ne nous voyons jamais en dehors de ce sas qui mène du bureau à chez nous. Nous n’en éprouvons pas le besoin. Je connais leur famille et leurs amis, sans jamais en avoir rencontré le moindre échantillon. Nous n’en éprouvons pas le besoin. C’est un instant précieux dans une journée, vital comme un palier de décompression à un plongeur qui aurait troqué ses bouteilles contre un ballon de rouge. Ou d’autre chose… Au choix.

Allez, un dernier verre et on y va.

23 mars 2007

Bouillon de culture

Cette année encore, du 23 au 27 mars, le hall 1 du parc des expositions de la porte de Versailles devient la plus grande librairie de France. C’est en effet aujourd’hui que débute le Salon du livre, qui célèbre pour sa 27e édition la littérature indienne. Imaginez : quelque 150 000 personnes qui, en 5 jours, naviguent de stand en stand, se pressent et se délectent de romans, de nouvelles, d’essais, de contes, de BD, de livres d’art, poussés par une soif insatiable de culture… Dans ces 50 000 m2, il n’est pas rare de surprendre deux enfants discuter simplement du développement non linéaire du récit dans l’œuvre d’Alain Robe-Grillet, arguant leur parfaite maîtrise du nouveau roman.
Un monde somme toute très ordinaire.

Mais la réalité en est à mille lieues. Pour preuve, la soirée inaugurale à laquelle je me suis rendu hier. 10 000 personnes — triées sur le volet, évidemment… — qui, n’assumant pas le rôle de pique-assiette que je revendique outrageusement, se sentent obligés de revêtir leur costume d’éditeur, espérant ainsi se fondre dans la masse. Comment les reconnaître ? Tout d’abord à leur longue écharpe, généralement blanche, négligemment jetée autour du cou et pendant jusqu’à mi-cuisse. Là-dessous, un costume sombre, soigné mais sans excès. Une voix artificiellement grave, qui sait recouvrer son timbre original au premier petit four mal orienté, permet de saluer la blonde plantureuse croisée sur la terrasse du stand Gallimard. Cette créature réunit autour d’elle un groupe de mâles plus hétérosexuels qu’hétérogènes et attise la verve des plus entreprenants. Jusqu’à ce qu’elle leur avoue dans un anglais approximatif qu’elle n’entend pas un mot de français. Au suivant !
Champagne et jolies femmes sont les deux mamelles de la culture.

Pourquoi tant d’efforts quand une paire de vieilles baskets, une veste hors d’âge aux coudes usés par les comptoirs et une tignasse assez peu disciplinée, suffisent à boire le même champagne, à manger les mêmes petits fours et finalement, à passer pour quelqu’un de certainement très en vue. Oui, car votre accoutrement suscite la curiosité : si vous osez sortir ainsi, sans doute n’avez-vous plus rien à prouver ; et si vous n’avez plus rien à prouver, sans doute êtes-vous un des auteurs les plus « bancables » du moment.
« Ah, si seulement je m’intéressais aux livres, je l’aurai reconnu. »
Perdu.

Bilan de la soirée : quelques bonnes tranches de rigolade… et un léger mal de crâne pour me rappeler que mon organisme est plus habitué au vin rouge et à la bière qu’au champagne.

Des livres ? Quels livres ?

19 mars 2007

Et si c'était vrai

Zinc sur zinc, la nouvelle émission politique d'Anne Moinclair… (si tu n'aimes pas les jeux de mots pourris, alors passe ton chemin).

Le plus dur dans les promesses, c’est de les tenir…
Ségolène Royal, en visite ce week-end dans une maison de retraite, a promis à trois centenaires de belles élections matinales. Comme quoi, il n’y a pas d’âge pour être membre actif au PS. Et comme l’a prouvé avant eux François Mitterrand, rien n’empêche d’être prostate et antilibéral.

Au royaume des aveugles…
François Bayrou, questionné par une journaliste de Radio Phtalmo sur la capacité de Jean-Marie Le Pen à être présent au second tour, a répondu : « S’il croit lire l’avenir dans une boule de cristal, il se met le doigt dans l’œil de verre ! ».

Les implants de Mamère
Noël Mamère, déçu par le comportement des Verts, n’exclut pas de s’installer dans la Silicon Valley pour ouvrir un commerce d’implants capillaires.

La révolution des lettres
Olivier Besancenot a reçu ce lundi les insignes de chevalier dans l’Ordre national des Arts et des Lettres, des mains du ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres, au cours d’une cérémonie tenue au ministère. Très ému, Olivier Besancenot a déclaré : « A travers moi, ce sont tous les hommes de lettres que sont les facteurs que vous décorez ».

15 mars 2007

Photo de campagne

On a retrouvé la septième compagnie…

13 mars 2007

I love rock'n'roll

Deux guitares, une basse, un clavier et une batterie… Quoi de mieux pour jouer du rock’n’roll ? Et bien rien !
Une salle rectangulaire, avec d’un côté une scène, de l’autre un bar, et entre les deux, 300 personnes… Quoi de mieux pour jouer du rock’n’roll ? Et bien rien !
Un guitariste chevelu, aux joues creusées et recouvertes d’une barbe faussement négligée… Quoi de mieux pour jouer du rock’n’roll ? Et bien rien.

Car il s’est bien agi de rock’n’roll, vendredi dernier à la Boule Noire, jolie salle jouxtant la Cigale. Et ceux qui nous ont gratifiés de ce concert ne sont autres que les Rita Mitsouko, qu’il n’est nul besoin de présenter mais dont on peut toujours parler tant ils parviennent à se renouveler à chaque nouvel album.

Les années ont sur Catherine Ringer un effet plus qu’enviable. Non contentes de ne pas altérer sa voix aux graves suaves et aux aigus percutants, elles donnent au personnage une élégance et une grâce que je ne lui connaissais pas jusqu’alors.
Fred Chichin n’est pas en reste. Savoureux mélange entre Jean-Hugues Anglade dans 37°2 le matin et Jean Rochefort aujourd’hui (si si je vous assure), il traîne toujours cette mine patibulaire, cette gueule, sur laquelle le plus petit rictus trahit un bonheur immense d’être sur scène.

Et la musique dans tout ça ? Un concert en deux sets, le premier présentant les morceaux de l’album à paraître fin mars, le second reprenant des chansons des précédents opus. Mais pas de nostalgie à outrance : hormis « C’est comme ça », les Rita n’ont pas entonné les tubes qui ont fait leur succès dans les années 80. Ces tubes, justement, ne seraient-ils pas la pommade que passent les groupes en manque de nouvelles bonnes chansons sur les oreilles d’un public qu’il faut bien tenter de conserver ? Alors, même si comme beaucoup, j’aurais aimé brailler sur Marcia Baila ou encore sur Andy, et bien je remercie les Rita Mitsouko de ne pas sombrer dans une pusillanimité qui les empêcherait d’innover encore et toujours.
 

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